Mémoires à fleur d’eau

LE CANAL ENTRE CHAMPAGNE ET BOURGOGNE
(canal de la Marne à la Saône)

HISTOIRE DU CANAL

La construction des canaux a commencé en France dès le XVIIème siècle avec Colbert (canal de Briare, canal du Midi) mais s’est généralisée plus tard pour répondre notamment aux besoins de l’industrie.

Ainsi, l’idée de relier la Marne à la Saône remonte à 1720 pour relier La Manche à la Méditerranée par les voies navigables. Elle fut fortement soutenue par les maîtres de forge hauts-marnais qui souhaitaient acheminer par voie fluviale, les produits de leurs hauts-fourneaux vers la région parisienne et le bassin méditerranéen.

Les travaux débutent en 1863. Une première tranche de 70 km sera construite entre Saint-Dizier et Donjeux, en 1872.

Le canal qui commence à Vitry le François atteindra la Saône à Maxilly sur Saône (21) en 1907. Long de 224 km (dont 166 km en Haute-Marne), il est alimenté par les 4 lacs-réservoirs du plateau de Langres ; une importante prise d’eau sur la Marne au niveau de Fontaines alimente le canal vers le Nord. 114 écluses sont disposées tout au long de son cours.

Ce canal est du type Freycinet (nom de l’ingénieur), avec une profondeur de 2,50 m. La traction des péniches était à l’époque assurée par des chevaux depuis le chemin de halage, une écurie était prévue près des écluses.

Au XXème siècle les chevaux sont remplacés par des tracteurs et dans les années 60, apparaissent les péniches à moteur.

Le premier port du canton a été celui d’Eurville (situé sur le territoire de Bienville) pour le transport du charbon, 2 autres suivront Bayard et Sommeville pour les usines puis Chevillon pour le transport du bois et de la pierre de Brauvillers.

Vies du canal, canal d’une vie ; la vie d’une éclusière (photo Marcelle THOUVREZ)

Dans les années 60, au plus fort du transport fluvial, 20 à 30 péniches faisaient retentir leur sirène pour demander l’ouverture des portes entre 6h30 et 19h30 en été.
Le travail de l’éclusier était particulièrement pénible et dangereux : vérifier le niveau d’eau dans le bief, surveiller les prises d’eau, tourner les manivelles.

Marcelle THOUVREZ, éclusière durant 43 ans à Bienville (écluse n° 53) racontait : « On faisait connaissance avec des mariniers qui passaient régulièrement. Une fois, je suis tombée au fond de l’écluse, je me suis raccrochée à la crémaillère pour ressortir. En hiver, c’était un travail de forçat, il fallait dégeler les mécaniques et dégager les portes. Février 56 : les conditions météorologiques étaient si extrêmes que les mariniers ne purent naviguer durant près de deux mois ».

Le temps passait au fil des saisons. Le sucre de Sermaize croisait les vins qui remontaient du Midi, le charbon du Nord, les cailloux de Gudmont, le sable pour les fonderies locales, les céréales des plaines marnaises.

Marcelle n’a jamais pris de vacances mais cependant était nostalgique lorsqu’elle a quitté « son » écluse, sa petite ferme comme elle disait avec poules, canard, lapins, moutons ; là où tous ses enfants sont nés.
L’écluse 53, c’était toute sa vie.

Le canal de nos jours

Supplanté par le rail mais surtout par la route, le transport fluvial est différent.

A la belle saison, l’essentiel de la fréquentation est le fait des bateaux de plaisance, les péniches devenant moins nombreuses.

Entre Vitry-le-François et Langres, le chemin de halage est aménagé pour les piétons et les cyclistes. Les canaux sont gérés par V.N.F. (Voies Navigables de France).

Jocelyne SABATES–MAIGRET

Sources : Remerciements à Alain THOUVREZ
Archives municipales, le Siècle d’Or du canton de Chevillon d’Hubert HUSSON